LA SOURCE D’EAU CHAUDE NATURELLE DU CROIZAT, MONT-DORE
- Par Nature Source Chaude
- Publié le
- Mis à jour le 29 novembre 2024
La commune du Mont-Dore, située dans le Puy-de-Dôme, est riche en sources thermales et fournit ample matière au curiste ou au touriste pour fréquenter cette station thermale réputée. Les romains, grand amateur de bains chauds, ont d’ailleurs laissé de nombreux vestiges gallo-romain qui ont été rassemblé dans le Parc et l’Établissement thermal.
Aussi, la commune recueille sur son sol des sources thermales dont les propriétaires n’ont plus recours. La source Croizat par exemple, située à environ trois kilomètres des thermes du Mont-Dore est relativement délaissée par son propriétaire. D’ailleurs, celle-ci appartient à la commune de La Bourboule dont ses établissements thermaux sont situés à un peu plus de 3 kilomètres de la source. Vous me suivez? Vous comprendrez mieux en visualisant la carte ci-après.
Dans cet article, je vous propose de découvrir sans plus attendre cette source qui s’épanouit librement en pleine nature, au milieu de ces 2 grandes stations thermales.
AU SOMMAIRE :
Le sentier des sources
L’itinéraire le plus simple pour rejoindre la source Croizat s’effectue à partir du parking de la Taillerie du Sancy qui permet de rejoindre rapidement un chemin très agréable appelé sentier des sources.
De ce parking, il suffit de repasser devant la Taillerie et suivre la route sur une cinquantaine de mètres. Un chemin à droite descend vers la « Micro Centrale Hydroélectrique du Moulin de la Compissade ».
À droite de ce bâtiment, un pont de bois de la forme la plus simple se trouve à une vingtaine de mètres et enjambe la rivière de la Dordogne pour aboutir au sentier des sources.
Le sentier s’élève juste un peu au flanc de la colline sur quelques dizaines de mètres. Bien large, il n’y a pas besoin de serpenter à travers des rochers et précipices pour atteindre une source chaude.
C’est également, l’une des voies les plus courtes d’accès à un bassin d’eau chaude naturel en France si l’on considère que le départ à pied se fait du parking. Cette accessibilité augmente naturellement l’affluence mais aussi les risques pour l’environnement et les personnes, d’après un arrêté municipal pris par la commune du Mont-Dore (en 2016) en interdisant la baignade.
En continuant un peu, je tombe sur une bifurcation. En prenant à droite, le sentier permet d’évoluer dans un véritable jardin ombragé, le long d’un cours d’eau charmant. La source Félix se trouve à moins de 500 mètres.
En prenant sur la gauche, un autre parking situé au bord de la route offre un accès facile au sentier des sources.
Le pavillon abritant la source Félix est dans un fort état de délabrement et il est devenu impossible de pénétrer le lieu. D’ailleurs, il s’agit d’une propriété privée qui appartenait autrefois aux thermes du Mont-Dore (appartient aujourd’hui au Conseil général). Cette source, découverte en 1895, émergeait naturellement du rocher à une trentaine de degrés avec une minéralisation de 4 grammes par litre (eau salée). Rapidement un forage (6 mètres de profondeur) fût entrepris pour l’exploiter. Son débit d’exploitation n’était que de 14 litres par minute et les bains étaient pris à proximité du griffon dans des baignoires en zinc.
Malheureusement, la construction d’un pavillon thermal n’a pas servi à grand chose car les baigneurs ne trouvaient pas une hospitalité convenable et l’endroit était trop isolé.
De plus, l’usage de cette source en bain n’était pas vraiment adapté au faible débit fourni. Aussi, la température native de l’eau n’était pas idéale (30 degrés puis 19 degrés aujourd’hui) pour le bain et demandait probablement à être réchauffer artificiellement. Le site ne recevait qu’une cinquantaine de curistes par saison avant d’être abandonné autour des années 1930.
Encore récemment, les habitants des communes environnantes venaient boire l’eau au robinet sous ce pavillon en ruines jusqu’à ce que celui-ci soit définitivement condamné.
À travers les barreaux d’une fenêtre condamnée, je peux observer trois pièces dont deux pouvant recevoir une ou deux baignoires. Une installation de bains confortable exigeait au moins deux pièces afin que les hommes et les femmes puissent se baigner en même temps tout en étant séparé, ce qui à l’air d’être le cas ici.
L’espace situé au centre du pavillon recueille la source et communique de chaque côté avec ces deux pièces. Aujourd’hui, l’eau croupit sur son sol et le bruit de l’eau se fait difficilement entendre (étant donné que je ne peux m’approcher plus).
À cet endroit, je peux à nouveau enjamber le cours de la Dordogne par un pont et monter jusqu’au hameau Le Genestoux.
Cette source portait autrefois le nom du directeur des thermes du Mont-Dore, un certain M. Chabory.
La source Croizat
Lorsque j’arrive au bord du cours d’eau de la Dordogne, je suis étonné de son faible niveau malgré les pluies incessantes des derniers jours. Les deux bassins d’eau chaude sont aménagés sur sa rive gauche et le risque d’inondation des bassins n’est cependant pas à exclure après de fortes pluies.
Découverte des baignoires
Ce lieu est relativement éloigné du milieu urbain et il y règne un grand silence. Le site est petit mais incroyablement méditatif. Ces 2 vasques d’eau chaude permettent de recevoir un petit nombre de baigneurs dans une certaine promiscuité.
Ces 2 baignoires collectives offrent néanmoins de nombreux avantages par rapport à une baignoire individuelle. Le baigneur y est détendu et peut profiter, pendant un long moment, d’une eau qui s’y maintient à bonne température : 37 degrés dans la première baignoire et 35 degrés dans la seconde.
D’ailleurs, cette température agréable est bienvenue puisqu’un grand nombre de pathologies ne peuvent céder qu’après un traitement prolongé et ininterrompu dans ces eaux mêmes.
Enfin, ces eaux thermales de ces bassins ne dépendent que d’une seule source : la source Croizat, qui conserve sa thermalité et son caractère unique (non mélangée avec d’autres sources chaudes).
Un milieu vivant
Lorsque ces eaux ne sont pas agitées (pas de baigneurs), la lumière naturelle contribue à en faire ressortir sa parfaite limpidité. Cette lumière est aussi source d’énergie pour les micro-organismes photosynthétiques qui s’épanouissent librement dans l’eau (plusieurs milliards par litre) et ceux qui en revêtent le pourtour. Ce plancton thermal (cyanobactéries, protistes…), apparent sur les bords, produit d’énormes quantité de molécules actives dans l’eau.
Il en est de même pour les micro-organismes (bactéries, archées, virus…) vivants dans ce sol du bain (plusieurs milliards par gramme) pavé de quelques roches. Un sol qui boit (avec une certaine rétention), c’est une eau qui percole et qui nourrit les micro-organismes du sol dont leur présence est indispensable à l’entretien de la qualité de l’eau thermale et au maintien de ses propriétés physico-chimiques. La source Croizat possède un sol naturel où peuvent s’épanouir librement les micro-organismes du sol.
C’est aussi grâce à leur présence, certes invisibles, et à leur production d’une très grande quantité d’enzymes se retrouvant dans l’eau que les déchets corporels (poils, peaux mortes, crasse et sueur) laissés à chaque bain par chacun des baigneurs peuvent se dégrader.
Infos pratiques :
Au contraire, les toxiques laissés par les cigarettes ou d’autres produits chimiques (certains produits d’hygiène) peuvent perturber cet écosystème sensible.
De même, les empilements de pierres (en face de la source Croizat) sur le lit de la rivière portent atteinte à la biodiversité en perturbant les algues, les micro-organismes et autres.
💡Le saviez-vous?
→ Chaque source chaude possède un microbiote unique (plus diversifié que celui de l’être humain). Cette flore spécifique de l’eau est aussi présente dans une eau minérale tempérée ou froide. Ainsi, lorsqu’une eau se retrouve dans un milieu dégradé, ses propriétés physico-chimiques se modifient et les vertus thérapeutiques sont moindres. Pour en savoir plus, je vous invite à lire l’article : Le sol, couche de base et milieu vivant d’une source chaude.
→ lorsque les principes thermaux ne font plus effet (malgré leurs présences dans l’eau), le bain chaud seul apporte néanmoins d’autres effets bénéfiques pour le corps. Pour en savoir plus, je vous invite à lire l’article : Les énormes bienfaits du bain chaud.
Un débit à la baisse
Son débit de 100 litres à la minute et la taille modeste des baignoires permettent également un bon renouvellement de l’eau. Ce renouvellement est assuré ici principalement par deux tuyaux rouge de faible longueur limitant ainsi leur engorgement (dépôts calcaires, précipités, biofilms…) et facilitant l’auto-nettoyage des bains.
Néanmoins, son débit primitif (lorsqu’elle fût découverte autour des années 1900) était de 200 litres/min et n’a cessé de se réduire depuis, jusqu’à atteindre son débit actuel (100 litres/min, voir peut être moins). Une loi de connexité semble s’imposer dans le domaine des eaux minérales. Les petites sources thermales étaient plus nombreuses à l’époque dans le Mont-Dore et à la Bourboule mais le développement de nouveaux griffons à coup de pioches et de forages (qui a pris une certaine ampleur au XIXe siècle) présentait le risque de perturber le débit (et la température) d’autres sources. Une bonne partie de ces eaux pouvaient même être perdue par de simples travaux d’aménagement.
La réfrigération des bains
L’eau de la source Croizat est acheminée par une galerie en voûte enfouie sous plusieurs mètres de terre. Cette galerie n’est pas au rocher mais est revêtue d’une maçonnerie sur toute sa longueur (estimée à environ 120 mètres de longueur à vol d’oiseau sur la carte). La source Croizat y séjourne un certain temps et s’y refroidit avant d’être distribuée à bonne température dans le bassin aménagé.
Cette galerie est donc une sorte de réfrigérateur qui permet d’affaiblir la température native de la source. Mais cet ouvrage enterré peut causer quelques modifications dans les propriétés physico-chimiques de l’eau. En effet, celle-ci s’y écoule plus lentement (dans la galerie) et les conditions de développement des micro-organismes (microbiote) sont modifiées.
L’usage probable de cette galerie était de récupérer l’eau thermale à l’avant d’un puits (griffon) et d’évacuer le trop-plein vers le cours de la Dordogne. Ce puits est situé de l’autre côté de la voie du chemin de fer dans une zone boisée.
Il y reste un bâtiment thermal en ruines attenant au réservoir thermal.
À partir de 1910, les eaux de la source Croizat, dont le propriétaire était à cette époque La Compagnie des Eaux minérales de la Bourboule (qui a rachetée la source à son inventeur M. Croizat), étaient pompées puis acheminées par une canalisation en fonte jusqu’à la station, distante de 3 kilomètres. Les eaux étaient ensuite stockées dans 2 réservoirs thermaux avant d’alimenter l’établissement de la Bourboule. Son débit abondant constituait un apport précieux pour alimenter les baignoires et les douches.
La pollution de la source et la présence de germes, suite à la mise en place d’une station d’épuration en 1934 à moins de 600 mètres par la commune du Mont-Dore, mit fin à son exploitation deux années plus tard. À cette époque, la forte rivalité entre les deux stations thermales a pu créer ce genre de situation insolite. D’ailleurs, les Montdoriens voyaient d’un mauvais oeil cette source qui émergeait sur leurs terres et qui était acheminée vers la station thermale voisine.
En 1938, du forage primitif de 26 m on descendit cette fois-ci à 171 m pour tenter d’échapper aux contaminations superficielles, mais sans résultats notables. Un autre forage de 214 m fut entrepris en 1969 mais celui-ci provoqua un éboulement souterrain et une rupture du trépan.
Le forage a été laissé à l’abandon sur le site. L’exécution de ce forage (ou des précédents) a certainement eu une incidence sur le régime d’écoulement de la source Croizat ainsi que d’autres sources voisines (fontaine pétrifiante aujourd’hui tarie, source Félix?).
Identité de la source Croizat et bienfaits
Les sources thermales CHOUSSY et PERRIERE sont les principales sources (de nombreuses autres sources ont disparu au XIXe siècle) du bassin de la Bourboule avec la source FENESTRE (eau minérale froide). Elles alimentent l’ensemble des établissements thermaux de la ville.
Elles présentent quelques similitudes, en terme de composition minérale, avec la source Croizat située pourtant à plus de 3 kilomètres. Ce sont toutes des eaux arsenicales (assez uniques en France), chlorurées sodiques, bicarbonatées, chaudes.
Après en avoir bu une gorgée, la source Croizat m’a également surpris avec son léger goût d’ail (et salée) que l’on retrouve aussi dans les sources CHOUSSY et PERRIÈRE.
Malgré ces points communs, des travaux récents ont démontré qu’il existait vraisemblablement 3 réservoirs distincts dans la vallée de la Dordogne : La Bourboule, Croizat et Mont-Dore.
La source Croizat est fortement minéralisée (7g. par litre) et aide à soigner les affections respiratoires, les affections de la peau, les rhumatismes. Elle est tonique, dépurative et s’emploie aussi bien en bain qu’en boisson. Comme vous l’avez compris, les vertus de la source actuelle ne sont plus exactement celles qu’elles étaient autrefois même si elle n’en reste pas moins encore thérapeutique.
Enfin, la source Croizat et son bain plutôt chaud (36-38 degrés) permettent la formation de vapeurs thermales particulièrement bénéfiques pour les voies respiratoires. Pour en savoir plus, je vous invite à lire la fin de l’article : Nettoyer ses poumons avec des méthodes simples et naturelles.
Une baignade gratuite mais normalement interdite
En 1973, la commune de la Bourboule rachète la source croizat à la compagnie des eaux minérales de la Bourboule. Elle est donc propriétaire du site.
En février 2016, un arrêté municipal pris par la commune du Mont-Dore (car la source Croizat est située sur la commune du Mont-Dore) en interdit l’accès. Néanmoins, la visite est libre.
En 2021, l’ancienne infrastructure (un bunker intégré à la galerie + bassins à l’extérieur) de la source Croizat a été détruite par la commune. Les locaux ont alors reconstruits en cachette des bassins aménagés.