LES SOURCES D’EAU CHAUDE SAUVAGES DE PRATS-BALAGUER
- Nature Source Chaude
- Publié le
- Mis à jour le 29 novembre 2024
A travers l’histoire, d’admirables sources ont acquis une grande renommée. Les unes sont réputées, tandis que d’autres ne le sont plus, ne le sont pas encore ou le seront plus tard. Autrefois peu connues, l’une d’elles a acquis ces vingt dernières années une certaine renommée qui dépasse même nos frontières. Pourtant rien ne la prédisposait à une telle destinée.
Sourdant dans un cadre sauvage à flanc de montagne, la source d’eau chaude sauvage de Prats-Balaguer dans les Pyrénées n’est accessible qu’après une bonne quinzaine de minutes de marche (à partir d’une colline qu’il faut rejoindre à pied). Hors saison estivale, il faut parfois braver les vents âpres du Canigou qui en défend l’approche avant de pouvoir s’y baigner. Longtemps, cette source n’était connue que par les autochtones avant que n’apparaisse internet. Cette source sulfureuse attire maintenant toute l’année un certain nombre d’initiés, d’aventuriers et de marginaux. Découvrons sans plus attendre ce lieu enchanteur situé sur les hauteurs de Fontpédrouse (après avoir quitté la RN116), proche du hameau de Prats-Balaguer.
N.B. : Une source d’eau chaude est un environnement complexe considérée comme l’un des milieux les plus riches de la planète en terme de biodiversité (micro-organismes). Je vous propose d’en prendre un peu plus conscience à travers cet article.
AU SOMMAIRE :
La source sulfureuse de Prats-Balaguer et son émergence naturelle
À l’assaut de cette source sulfureuse, j’emprunte un sentier qui démarre du haut d’une colline (localisation à la fin de l’article) bordant la route.
De la colline, je me dirige vers la droite pour emprunter un sentier qui dévale jusqu’à un ruisseau.
Après l’avoir traversé, je longe un sentier fréquenté tout tracé avant de me retrouver face à l’émergence de la source sulfureuse, généreuse et bouillante. De là naît la rencontre d’un homme fatigué dans son corps et d’une eau apaisante.
Je ressens alors une légère odeur d’oeuf couvé, qui finit par s’estomper rapidement. Celle-ci n’est pas très prenante, comparée à celle que j’ai déjà pu ressentir dans d’autres sources sulfureuses en Italie.
C’est donc à l’issue d’un long cheminement souterrain que l’eau jaillit naturellement d’un talus à l’air libre. Une telle émergence naturelle est appelée griffon. L’absence de captage permet de ne pas modifier sensiblement les conditions du milieu permettant le développement de micro-organismes. Ces micro-organismes sont présents dans tout les milieux tel que l’eau, l’air et en particulier sous nos pieds : le sol.
L’eau thermale émerge à plus de 69 degrés, alors que le feu ici est invisible. Dans les Pyrénées, elle fait partie des eaux thermales les plus chaudes.
Les températures de l’eau vont ainsi, avec le pH, contrôler la distribution des micro-organismes sur l’ensemble du site.
La température de l’eau influence grandement la composition de tout cet écosystème. Mais de quel écosystème parle t’on? De la kyrielle de micro-organismes du sol et de l’eau qui nous sont pour la plupart invisibles. Ils sont si importants qu’ils font partie intégrante de la source d’eau chaude. Ils sont présents dans les bassins, sous les bassins, et entre chaque bassin à travers les divers canaux d’écoulements. Mais pas de panique! Une diversité et une abondance de micro-organismes symbolise le milieu de la vie et de la santé. Ils constituent même le microbiote de la source sulfureuse. Pour en connaitre davantage sur ce sujet, je vous invite à lire cet article : Le sol, couche de base et milieu vivant d’une source chaude.
Un long voyage dans les entrailles de la Terre
Dès l’émergence, au sortir de la roche, une diversité de micro-organismes (bactéries, cyanobactéries, archées, levures…) et une certaine richesse taxonomique ont ainsi colonisé l’ensemble du site.
Mais d’autres micro-organismes ont côtoyé cette source bien avant qu’elle ne fasse surface. On estime qu’environ 70% des bactéries et archées sur Terre vivent en fait sous terre. La source sulfureuse de Prats-Balaguer, de par sa température de 69 degrés, proviendrait d’un réservoir estimé à 2000 ou 2500 mètres de profondeur. Et devinez quoi? On sait aujourd’hui que des bactéries et des archées vivent jusqu’à 5000 mètres de profondeur.
Cette vie qui abonde dans les entrailles de la Terre fait que cet environnement hostile et vivant constitue un MYSTÈRE pour la communauté scientifique. En effet, longtemps ce milieu a été considéré comme stérile (roche, pression extrême, température extrême…). Une énorme biosphère de vie serait cachée sous nos pieds.
D’ailleurs, il serait même peut être plus juste de dire qu’une source chaude emporte avec elle, lors de ses pérégrinations souterraines, le souvenir des couches géologiques qu’elle traverse et des micro-organismes qu’elle rencontre.
La source d'eau chaude de Prats-Balaguer et son canal d'écoulement
J’observe de plus près le canal d’écoulement (figure 1) qui suit l‘émergence de l’eau thermale. Avant même de prendre le bain, je prends la mesure d’inhaler des vapeurs et des gaz aux bienfaits insoupçonnés. Pour en savoir plus sur les bienfaits des gaz thermaux sur les poumons, je vous invite d’ailleurs à lire cet article : « Nettoyer ses poumons avec des méthodes simples et naturelles ».
Ainsi, ce canal est composé de terre et de quelques roches. Mais en y regardant de plus près, je constate que plusieurs tapis de végétations de couleur ocre, brun et violet s’y sont développés. Les tapis de végétations verts se font plus discrets.
Les micro-organismes présents sur ces tapis de végétations sont probablement des cyanobactéries dont les couleurs (bleu, jaune, vert, noir, brun, violet…) peuvent variées suivant l’espèce (plus de 7500 espèces recensés).
Ces cyanobactéries ont parfois mauvaise presse car certaines espèces peuvent être potentiellement toxiques. Tandis que d’autres sont considérées comme des « super-aliments »!
Peut être avez-vous déjà entendu parler de spiruline qui est un super-aliment? Cet algue, très appréciée pour sa grande concentration en éléments nutritifs, est en fait une cyanobactérie. La spiruline aime les eaux chaudes et riche en minéraux pour se développer.
En effet, les eaux sulfureuses sont un milieu de choix pour que des micro-organismes tel que des cyanobactéries (proche des algues mais qui sont des bactéries) spécifiques puissent s’y développer.
Ces micro-organismes « visibles » sur des « tapis de végétations » ont un degré d’organisation supérieurs aux bactéries. Les sels minéraux et les matières organiques dissous dans l’eau leur permettent de vivre et de se développer, rendant impossible la prolifération d’autres cyanobactéries. D’autres facteurs tel que l’aération et la lumière influencent fortement leur développement. Elles font partie des « bactéries photosynthétiques ».
Un accès escarpé menant aux bassins d'eau chaude
En m’éloignant de quelques dizaines de mètres de l’émergence, j’observe cette fois-ci un canal (figure 2) d’écoulement plus minérale. La nature du substrat (rocheux) peut également impacter la diversité des communautés bactériennes. Ici la température de la source sulfureuse est plus basse.
Cette température favorise le développement d’un tapis de végétation de couleur vert, vert émeraude ou violet visibles sur plusieurs roches. Je suis stupéfait par toutes ces couleurs. Ces cyanobactéries font certainement partie d’un plancton thermal qui participe activement à la qualité de l’eau en sécrétant diverses substances (anti-inflammatoires, hormonales, vitamines, enzymes…).
Mais ces cyanobactéries ne représentent qu’une fraction infime des micro-organismes de la source chaude.
Une grande part d’entre eux s’épanouissent dans le sol. Il est difficile d’en prendre conscience car le sol est opaque et on ne peut voir à travers. Ces diverses communautés microbiennes du sol s’autorégulent entre elles, et permettent une régulation des micro-organismes évoluant dans l’eau (cyanobactérie, bactérie, archée…).
A défaut de ne pas pouvoir les voir, une odeur de terre et d’humidité flotte dans l’air et me saisit. Un peu comme l’odeur d’un sol qui se révèle après la pluie.
Enfin, je m’approche du premier bassin.
La pente abrupte peut parfois paraître glissante avec des cailloux qui roulent sous la chaussure. Le long canal d’écoulement (une cinquantaine de mètres) séparant l’émergence du premier bassin a permis de refroidir l’eau d’une bonne vingtaine de degrés.
Ce premier bassin, peu profond, a une température avoisinant les 45 degrés.
L‘écoulement (mouvement) d’une eau chaude sur un sol vivant (le mouvement seul de l’eau ne suffit pas) permet à l’eau de conserver soigneusement sa vitalité, ses propriétés et même de s’enrichir en différentes substances bénéfiques au fil de son parcours, alors même qu’elle se refroidit. Les minéraux et les oligo-éléments dissous dans l’eau restent ainsi hautement biodisponibles.
Le cadre sauvage des bassins d'eau chaude de Prats-Balaguer
L‘environnement naturel de ce site rend cette source d’eau chaude vraiment unique. De grosses pierres permettent de retenir l’eau chaude dans une dizaine de bassins aménagés s’égrenant à flanc de montagne.
Les bassins d’eau chaude, peu profonds, permettent à l’eau d’être continuellement aérée par le mouvement du courant à peine perceptible. Chaque bassin est alimenté en continu par un ou plusieurs canaux d’écoulements, ce qui favorisent les échanges.
La source d’eau chaude de Prats-Balaguer a choisi son point d’émergence dans une fôret qui fait décor.
Les feuilles, les branches, les brindilles, les insectes morts… constituent une bonne source de carbone (énergie) pour les micro-organismes du sol de la forêt et certainement aussi pour ceux qui évoluent dans la source sulfureuse.
Il suffit d’observer à quel point les bassins sont propres, dénués de déchets végétaux. Cela atteste d’une forte activité biologique (production d’enzymes) permettant de les dégrader.
Enfin, chaque bassin possède une forte diversité en micro-organismes spécifique à son habitat. La température, les sels minéraux ou l’apport de lumière varie au fil des bassins et change les conditions de développement des différentes communautés microbiennes présentes. D’une rive à l’autre d’un bassin, des écarts de pH et de température peuvent modifier cet écosystème complexe. Tout ces micro-organismes du sol et de l’eau influence fortement la chimie de l’eau, tant bien même qu’ils nous sont invisibles. Les neuf bassins permettent ainsi d’offrir à chaque baigneur neuf expériences différentes dans une eau présentant des propriétés légèrement changeantes.
Chaque bassin procure aussi d’énormes bienfaits à l’organisme avec sa seule température. Pour en savoir davantage, je vous invite à lire l’article : Les énormes bienfaits du bain chaud.
Une deuxième résurgence d'eau chaude
Une deuxième résurgence d’eau chaude borde un chemin dont le départ s’effectue quasiment au niveau du grand bassin alimenté par une cascade (voir ci-dessus). La végétation, les arbres camouflent un peu le lieu.
Après avoir parcouru une centaine de mètres, je tombe sur un abreuvoir protégé par un muret de pierres.
Cette fontaine d’eau chaude sulfureuse a une température supérieure à 50 degrés.
Informations
Pour accéder à ce lieu de sérénité, d’eaux chaudes, d’arbres et de grand air, il suffit de prendre la D28 depuis le village de Fontpédrouse. Suivre la route (à pied) en direction du hameau de Prats-Balaguer jusqu’à un virage où se trouve le chemin d’accès aux sources.
De gros blocs de pierre ont été posés récemment (2024) par la commune au niveau de ce virage (où les véhicules se garaient autrefois) et tout le long de la route, empêchant ainsi tout véhicule de stationner. Depuis, le site est nettement moins fréquenté, ce qui n’est pas plus mal.
Il faut donc atteindre ce « virage » à pied en laissant son véhicule :
– au parking des Bains de Saint-Thomas
– au parking de Fontpédrouse (puis remonter à pied)
– au village de Prats-Balaguer (peu de places)
Ce paysage préservé, c’est tout l’équilibre écologique d’un lieu qui s’épanouit en liberté. Ce lieu vivifiant reste néanmoins fragile si l’on y fait pas attention et risquerait de s’éteindre.
On vient avant tout « aux eaux » pour se purifier, se détendre, reposer son esprit, prendre un peu de recul par rapport à la vie quotidienne.
Il va de soi qu’il faut respecter quelques règles dictées par le bon sens : ramener ses déchets, respecter le lieu, se garer correctement…
Pour en savoir plus sur la nature de ces eaux et leurs propriétés, je vous invite à lire cet article : Les sources d’eau chaude sauvages dans les Pyrénées-Orientales.