2 sources d’eau chaude à découvrir absolument, Hautes-Alpes

Nichées entre le parc naturel régional du Queyras et le parc national des Écrins, deux résurgences d’eau chaude auraient décidé de faire une vaporeuse apparition sur une plaine dominée par d’imposants massifs montagneux. Nous nous trouvons au Plan de Phazy, un lieu magique bordant la Durance où sourdent deux sources thermales : la source des Suisses et la source de la Rotonde

Les eaux de cette dernière jaillissent d’un rocher et alimentent quatre bassins d’eau chaude dont la température varie entre 26 et 28 degrés. Il est même possible de s’y baigner librement toute l’année. Surplombée par un édifice appelé « la Rotonde », elle en porte d’ailleurs le nom.

Penchons-nous sur ce site exceptionnel avant d’aborder un autre site tout aussi remarquable, situé à seulement 2 km de là. En effet, une troisième résurgence d’eau chaude est présente sur la rive opposée de la Durance. Un autre lieu magique où se trouve la fontaine pétrifiante de Réotier.

Sources d'eau chaude naturelles des Hautes-Alpes

AU SOMMAIRE :

Carte des sources chaudes dans les Hautes-Alpes

La route nationale N94 passe à proximité du Plan de Phazy. En hiver, la petite route menant au parking est généralement rapidement déneigée. L’accès aux bains est gratuit toute l’année.

Sur la carte :
– les sources chaudes du Plan de Phazy ;
– la fontaine pétrifiante de Réotier ;
– les sources chaudes de Monétier-les-Bains.

Avertissement :
La baignade à la source d’eau chaude du Plan de Phazy est normalement interdite. Un arrêté du maire de Risoul, en date d’août 2020, a été apposé fin juin 2024 sur un piquet métallique posé derrière les bassins du haut. Retrouvez plus d’informations sur la carte.

Le Plan de Phazy : un passé mystérieux

Dès l’Antiquité, les sources d’eau chaude du Plan de Phazy étaient certainement connues par des Romains, même s’il ne reste que peu de traces de leur passage.

Malgré tout, on peut y découvrir non loin de là les vestiges d’une voie romaine : la voie des Alpes. Cette dernière longe la Durance et remonte la vallée jusqu’à Briançon, puis passe par le col du Montgenèvre pour rejoindre l’Italie.

Lorsque les Romains sont entrés dans la région et ont conquis la Gaule, les sources chaudes du Plan de Phazy représentaient de toute évidence une belle promesse de bien-être. D’autant plus qu’ils étaient de grands amateurs de bains thermaux, un passe-temps dont ils avaient fait un véritable art de vivre.

Des installations romaines auraient-elles existé à cette époque, ne serait-ce que sommaires ? Il est difficile de le savoir ! L’histoire fut par la suite longtemps marquée par des pillages, des destructions et des abandons. Les bâtiments et les installations des thermes en faisaient partie. De nombreuses sources furent dévastées et des stations incendiées.

Au Moyen Âge, trois hôpitaux furent construits à quelques kilomètres du site du Plan de Phazy. L’un d’entre eux était situé à Saint-Clément, tandis que les deux autres se trouvaient au pied et sur le plateau de Mont-Dauphin. À quoi étaient destinés ces hôpitaux? À cette époque, les militaires étaient hébergés dans des hôpitaux civils ou chez des particuliers. La réputation des eaux thermales pour les soins aux soldats blessés était grande. De plus, le Plan de Phazy et ses alentours constituaient un lieu stratégique au carrefour de trois vallées, ce qui expliquait la présence militaire.

À la fin du XVII^e siècle, Vauban fortifia la place de Mont-Dauphin renforçant ainsi la présence militaire et verrouillant les accès des vallées aux puissances étrangères. Plusieurs dizaines de milliers de militaires transitaient dans la vallée.

Les sources d’eau chaude du Plan de Phazy étaient déjà fréquentées par ces soldats ainsi que par les garnisons toutes proches (Mont-Dauphin, Embrun, etc.) qui représentaient la majeure partie des curistes, avec les autochtones.

Ce sont d’ailleurs des militaires basés à Mont-Dauphin qui ont été les premiers à étudier les propriétés de ces eaux. Ce n’est que plus tard, au XIX^e siècle, avec l’apparition des premiers instruments, que des analyses chimiques ont été effectuées par des scientifiques.

Vue aérienne du Plan de Phazy et village fortifié de Mont-Dauphin en arrière plan
VUE AÉRIENNE DU PLAN DE PHAZY - En arrière plan, le village Mont-Dauphin situé sur les hauteurs

La Rotonde et sa source d'eau chaude

La période révolutionnaire et les guerres napoléoniennes (1803-1815) ont brutalement interrompu en France un certain engouement pour les projets thermaux (nouvelle construction, rénovation, aménagement). Lorsqu’elles se terminèrent, une nouvelle page s’ouvrit. Nous sommes à l’aube des temps modernes. Le monde avançait à grands pas vers autre chose. Des projets thermaux ambitieux (Bourbonne, Vichy, Plombières, etc.) aux plus sommaires, s’inscrivant dans une nouvelle période de prospérité, virent le jour.

En 1824, sous le règne de Charles X et Louis XVIII, la construction d’un bâtiment thermal minuscule autour du point de sortie de l’eau fut entreprise. Le bâtiment fut baptisé « La Rotonde ».

Station thermale du Plan de Phazy
Station thermale du Plan de Phazy dans les années 1920 - © Nature et Source Chaude

L’image d’un édifice à multiples fonctions regroupant logement et divertissement, qui persista dans les villes d’eaux à l’époque (1800-1850), est ici loin de correspondre à la réalité. 

En effet, les curistes habitaient déjà sur place. Ils étaient majoritairement des locaux et des militaires stationnés dans les garnisons toutes proches (Mont-Dauphin, Briançon).

La Rotonde du Plan de Phazy
La Rotonde et sa porte d'entrée imposante

L’établissement de la Rotonde a été construit au pied du rocher de Barbein sur un bombement de tuf induré. Il a été bâti en amphithéâtre adossé à la source minérale. Tout autour, un escalier permettait d’accéder aux baignoires (six ou sept) taillées dans la pierre.

Ce type de construction très sommaire permettait d’utiliser la source minérale au sortir de la roche, ce qui limitait la perte des propriétés de l’eau et de ses principes actifs. L’emploi médical de la source minérale se faisait au plus simple : un bain à l’état brut.

En 1935, un séisme frappe durement la Rotonde. La source se tarit, puis est retrouvée quelques mètres plus loin en dehors de l’édifice. Elle peut alors à nouveau s’unir au soleil et féconder la terre. Pour en savoir plus sur ce sujet, je vous invite à lire l’article intitulé : Le sol, couche de base et milieu vivant d’une source chaude.

La source va échapper à tout autre projet de centre thermal jusqu’alors, ce qui est une situation plutôt rare.

Présentation du site du Plan de Phazy

Rattaché aux communes de Guillestre et de Risoul, le site du Plan de Phazy se situe à 900 mètres d’altitude et abrite deux résurgences d’eau chaude.

La première se trouve à proximité du chemin menant à la source de la Rotonde. Cette source présente en réalité peu d’intérêt. Ces eaux tièdes (26 degrés) ne se prêtent pas à des bains, contrairement aux eaux voisines (source de la Rotonde) qui atteignent 27 à 28 degrés. À cette température, chaque degré compte.

Source des suisses au Plan de Phazy
La Source des Suisses alimente les serres horticoles en eau thermale. Les abords du canal ont été défrichés.
Source des Vignes au Plan de Phazy
PLAN DE PHAZY - Source des Vignes

Cette source, appelée « source des Suisses » ou « source des Vignes », est captée et utilisée pour le chauffage des serres horticoles.

Malgré un débit de 300 litres par minute, les abords du captage ne laissent souvent que quelques traces de dépôts de fer dans un champ, visibles depuis la petite route selon la végétation environnante.

Plan de Phazy

La deuxième résurgence d’eau chaude est la source de la Rotonde. L’eau jaillit d’un rocher en marbre rose à 28°C (la température de l’eau du premier bassin est de 27,4°C) à quelques mètres de l’édifice. C’est donc à cet endroit précis que l’eau de la source a décidé de réapparaître mystérieusement après le séisme.

On peut d’ailleurs observer un plancton thermal sur le griffon. Ce dernier a l’aspect d’une mousse de couleur verte et on peut également l’observer dans les quatre bassins circulaires. Le débit de la source est de 70 litres par minute.

Source chaude du Plan de Phazy et son rocher en marbre rose
Rocher en marbre rose
Vasques à étages et cascades de la source chaude du Plan de Phazy
Vasques à étages et cascades

L’eau qui s’écoule à travers les quatre bassins finit par ruisseler sur un plateau de tuf ferrugineux de couleur orangée.

Les éléments chimiques dissous dans l’eau favorisent une biodiversité exceptionnelle caractéristique des prés salés. D’ailleurs, le site du Plan de Phazy est classé Natura 2000. Cet espace protégé abrite le seul pré salé de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Baignade à la Source chaude du Plan de Phazy
Source chaude du Plan de Phazy avec vue sur les Ecrins
Plateau de tuf ferrugineux situé sur la droite du dernier bassin

Source de la Rotonde : nature de l'eau et vertus thérapeutiques

Il existe une typologie chimique usuelle permettant de classer les eaux thermales. Celle-ci fait partie des eaux chlorurées sodiques.

Cette appellation vient du fait que les anions (ions négatifs) majoritairement retrouvés dans cette eau sont les ions chlorures. Les cations (ions positifs) majoritaires sont le sodium. D’autres éléments majeurs sont également présents en quantité notable. On y trouve notamment des sulfates, du calcium, des bicarbonates et du magnésium. Tous ces éléments proviennent de la dissolution de différentes roches par une eau qui parcourt le sous-sol.

Seul un élément mineur ou élément-trace est représenté sur le panneau d’affichage. Il s’agit du fer, présent à raison de 0,6 mg/L. D’autres éléments traces ont été relevés grâce aux travaux du géologue Poulain (1977) et plus tard par M. Grimaud (1987). Ces éléments-traces, également appelés oligo-éléments, sont essentiels au bon fonctionnement de l’organisme. On y trouve également du fluor, de la silice, du lithium, du zinc, du césium, etc., sous une forme parfaitement assimilable, à condition que l’eau ne soit pas altérée.

Le docteur Lesbros signalait également, dans sa thèse de 1947, une radioactivité due à l’émanation de radon, phénomène courant dans une source d’eau chaude. Cette radioactivité naturelle, qui a des propriétés stimulantes, était déjà mise en avant dès les années 1930 par de grandes stations thermales, notamment à coup d’affiches publicitaires. D’autres gaz peuvent également s’y ajouter, comme le dioxyde de carbone, l’azote, l’hydrogène sulfuré, etc.

Minéraux dans la source chaude du Plan de Phazy
PLAN DE PHAZY - Panneau d'affichage implanté à côté du parking

Les vertus thérapeutiques de cette source chaude ont été confirmées par diverses études.

Dès 1784, le chirurgien-major Charmeuil de l’hôpital militaire de Mont-Dauphin publie ses travaux dans le Journal de médecine et chirurgie militaires. D’après lui, ces eaux miraculeuses guérissent toutes les affections.

En 1947, le docteur Lesbros ne fait que confirmer ces dires. Elles sont réputées pour leurs effets bénéfiques sur les affections respiratoires, rénales, hépatiques, les dermatoses, les rhumatismes, les maladies articulaires, etc.

La fontaine pétrifiante de Réotier et sa source d'eau chaude

Nous nous trouvons cette fois-ci sur la rive opposée de la Durance, à 2 km du Plan de Phazy. Après avoir cheminé une dizaine de minutes depuis un parking, vous pourrez admirer une fontaine pétrifiante connue depuis l’Antiquité.

Sentier menant à la Fontaine pétrifiante de Réotier
Sentier menant à la Fontaine Pétrifiante de Réotier
Fontaine pétrifiante de Réotier
Fontaine pétrifiante de Réotier

Cette fontaine, véritable œuvre d’art, représente une gueule de monstre imposante.

La fontaine pétrifiante de Réotier
Fontaine pétrifiante de Réotier
Fontaine pétrifiante de Réotier
Fontaine pétrifiante de Réotier

D’ailleurs, on sait qu’elle attirait déjà de nombreux visiteurs à cette époque.

En 1889, lors de la construction d’une ligne de chemin de fer, la découverte de plusieurs centaines de pièces romaines à sa base a laissé un témoignage.

Son emplacement était également situé sur la voie romaine reliant Arles à Rome.

Comment une telle chose a-t-elle donc pu se former ?

De manière générale, la formation de concrétions calcaires qui pétrifient le milieu environnant s’explique par le processus suivant. D’une part, la présence de certains éléments dissous dans l’eau thermale est nécessaire. Ces éléments, à savoir le calcium, le magnésium et les bicarbonates, doivent se présenter sous forme ionique. D’autre part, ces éléments sont censés précipiter lorsque certains gaz dissous dans l’eau, notamment le gaz carbonique, sont libérés.

Toutefois, selon la recherche scientifique, la formation de ces minéraux serait probablement plus complexe qu’une simple réaction chimique. Ces concrétions calcaires pourraient également être l’oeuvre de micro-organismes.

Fontaine pétrifiante de Réotier et pétrification
Rivière de La Durance en arrière plan

Pour finir, notons que cette eau de source a une teneur en minéraux (5 g/l) plus faible que celle de la Rotonde (7 g/l), et une température de 20 °C. Réputée pour ses nombreuses vertus thérapeutiques, elle est également utilisée par le laboratoire « L’OCCITANE » pour la formulation de certains de ses produits.

Partager cet article

Laisser un commentaire